9/09/2009

Le meilleur ami de l’Homme


J'ai toujours aimé les chiens.
D'aussi longtemps que je m'en souviens, j'ai toujours senti une irrésistible envie de les approcher, les caresser, les suivre dans leurs jeux, de créer du lien avec ces animaux.
Je n'en ai jamais eu à moi, quand j'étais petite, ma mère étant souvent par monts et par vaux. J'en ressentais une profonde tristesse, car mes poissons rouges n'allaient jamais chercher la balle lancée dans l'aquarium.
Heureusement, mes grands parents, maternels et paternels, possédaient chacun une chienne.
D'un côté chez ma grand-mère maternelle Claudette, vivait Lady, un boxer prognathe qui s'est attribuée avant ma naissance le rôle de mère de substitution.
De l'autre, chez Angelo et Jeannine, Wanda, un berger allemand magnifique qu'ils avaient récupéré car elle était victime de maltraitance. À l'époque je devais avoir trois ou quatre ans.
Parlons, tout d'abord de Lady, avec sa gueule de délinquante. Cette bête avait la fâcheuse habitude d'accueillir celle qui allait devenir ma mère en lui sautant dessus, pattes sur le ventre. La légende familiale voudrait que cette parade de bienvenue se terminât avant que ma mère ait eu l'idée de pisser sur un test de grossesse. Huit mois plus tard, j'étais là. La chienne l'aurait senti. Pourquoi pas.... Toujours est-il que dès notre rencontre, Lady devint mon garde du corps attitré. En effet, ne m'approchait pas qui voulait. Le cercle proche, pas de souci: assise à coté de mon landau, elle donnait son accord. Mais les autres, les occasionnels, devaient montrer patte blanche. entre autres le fils d'une amie de ma mère, âgé de six ans peut-être, et qui était bien connu pour ne pas être le gamin le plus équilibré du village.
Plus je grandissais, plus elle me suivait où que j'aille. Elle était devenue une sorte de peluche géante, à laquelle je m'agrippais dès que possible. Je dormais avec quand je couchais chez Mémé, son odeur me rassurait pour m'endormir, je fourrais mon nez dans son encolure.
Je devais avoir onze ans quand elle est morte de sa belle mort comme on dit. Et c'est ce jour que j'ai compris tout ce qu'un animal nous apporte comme affection et comme équilibre, et combien il est délicat de faire le deuil d'un compagnon muet.
Wanda, elle, je ne l'ai pas vue vieillir, les rapports familiaux n'étant pas forcément au beau fixe de ce côté là. Elle aussi était douce et affectueuse. je me blottissais souvent avec elle sur son tapis, ou dans sa niche. J'aimais enfoncer mes doigts dans sa fourrure, et renifler cette odeur si particulière que possèdent les chiens à poils longs.
Une telle histoire d'amour m'unit à eux. J'ai un besoin énorme de leur présence, les voir, les toucher, petits ou grands, chiots ou vieux cabots. Si je pars en vacances ou en déplacement sans mon chien, au bout de quelques jours, c'est non seulement lui, sa personnalité propre qui me manque, mais aussi le Chien, l'animal lui-même. Le contact de la fourrure dans ma main, l'odeur, le bruit qu'il produit.
Et pourtant, quand un jeune homme qui fureta dans ma vie voici sept ans me proposa de prendre un chien, je n'étais pas plus excitée que ça. J'avais toujours rêvé d'un labrador, il voulait un rott, soit. C'était sensé être le sien. Amos est entré dans nos vies, il a amusé le jeune homme quelques semaines, et puis plus rien. Ramasser les crottes et commencer son éducation n'étaient plus aussi attrayants qu'à l'origine. Je m'en suis occupée de plus en plus, et pour me prouver son affection en retour, Amos bouffait mes fringues. Exclusivement. Puis, ce qui devait se produire arriva, j'ai quitté le jeune homme, mon futur tueur de bébés au bout de ma laisse. Qui promenait l'autre à l'époque, je me pose souvent la question. Qui était responsable de l'autre aussi. S'il n'avait pas été présent à l'époque, si je n'avais pas eu la charge de cet animal, qui sait ce que j'aurais fait de ma peau. Alors on peut bien se foutre de la gueule de Mickey Rourke et de ses vilains Chihuahuas qui lui auraient sauvé la vie lorsqu'il pensait au suicide, mais se sentir responsable d'une bête donne du sens quand tout semble en être dénué.

Dans les yeux de mon chien, je lis toute la tendresse du monde, toute l'admiration, toute la dévotion. Personne ne m'a jamais regardé comme ça, personne ne le fera jamais. Il y a dans ces yeux –là un oubli total de soi, qu'aucun amant ne pourra jamais promettre. (Et c'est tant mieux, notez. Parce que cela serait extrêmement malsain.)

J'ai connu des hommes jaloux de mon chien, du temps que je lui consacre, de sa place dans ma vie. A chaque fois que j'entends l'une de ces remontrances, je pense instantanément à la chanson de cat Stevens, « I love my dog » qui dit en substance : « j'aime mon chien autant que je t'aime mais tu peux faillir, mon chien me restera toujours fidèle. ». c'est une vérité inébranlable….

Il n'y a que son contact quand je me sens très angoissée qui me calme. J'ai besoin de ça. Si je ne dors pas, je monte le voir, caresser son énorme tête. L'été, je m'asseyais contre son panier, suivant sa respiration et tachant de décrypter ses rêves de courses poursuites derrière un chapelet de saucisses, qui sait ? J'adore voir les chiens rêver. J'aimerais tant savoir quelles images se forment sous leurs paupières durant leur sommeil… Il m'apaise.

Malgré cela, je connais ma place et la sienne. Je ne suis en aucun cas gâteuse avec mon chien ou celui des autres. Certains me jugent même trop inflexible avec Amos. Mais selon moi, c'est la constance et le respect mutuel qui posent les bases d'un rapport sain avec son chien. En bon animal de meute, il a besoin d'un chef, d'un dominant pour savoir où avancer, comment se comporter. Ce sont des pré requis fondamentaux que peu de gens possèdent et c'est peut-être pour cela qu'il se produit tant d'accidents chaque année.

Nombre de gens prennent des chiens sans savoir ce que c'est. Et ne comprennent pas les différences de langage entre l'homme et le chien. Ce n'est pas à l'animal de s'adapter, de comprendre l'homme. Il n'en est pas capable. A l'homme de déchiffrer, de savoir, de comprendre. Lui a les outils pour le faire.

J'ai lu dernièrement un livre qui va dans ce sens, et qui devrait être offert à chaque personne qui envisage d'adopter un chien. « Comment parler chien » de Stanley Coren, un spécialiste de psychologie canine très réputé. La lecture est simple, ludique.

La conclusion de cet amoureux de la race canine m'a particulièrement émue car elle résume mes sentiments à l'égard des chiens que j'ai aimé et que j'aime encore, pour longtemps j'espère. En voici donc un extrait.

« Il est au moins un son émis par les chiens dont cet ouvrage n'a encore rien dit.[….] ce son, c'est celui que font les chiens en respirant.

La nuit quand je me glisse dans mon lit, mon vieux chien Wiz vient se coucher près de moi. Odin s'installe sur son coussin à mon chevet et le tout jeune Dancer […] dort à 'autre bout de la pièce dans son panier. Le grand silence et l'obscurité nocturnes amplifient si bien les bruits que je distingue parfaitement la respiration calme et lente du grand chien noir, celle plus saccadée du chiot roux, et les ronflements intermittents du vieux chien blanc ( NDLR : c'est Mme Coren qui doit être contente.) Souvent ces bruits m'amènent à rêvasser sur l'homme primitif, couché au fond de sa caverne ou d'une hutte grossière sur une peau de bête ou sur l'herbe sèche. Le monde dehors est hostile, dangereux.[…] L'homme cependant, , entend lui aussi ses chiens dormir près de lui tandis qu'il essaie de trouver le sommeil . Ses chiens respirent, et ce bruit se charge de sens pour l'humain. Il dissocie du langage de la nature sauvage et indomptée ces bruits qui le rassurent, le réconfortent, et lui confirment par leur régularité même qu'il a passé avec le chien un contrat indissoluble. « Je suis là, avec toi, murmure le souffle du chien. Tu n'es pas seul dans la vie et je ne le suis pas non plus. Pas une bête féroce, pas un ennemi ne peut s'introduire chez toi à ton insu. Je suis tes yeux et tes oreilles. Dors en paix, il ne t'arrivera rien car je suis là pour te prévenir et te défendre en cas de besoin.

Demain nous irons à la chasse, tous les deux. Demain, nous nous occuperons du bétail. Demain, il fera beau et nous reposerons au soleil, ensemble, nous irons à la découverte du monde Nous rirons, tous les deux, nous jouerons, même s'il y a longtemps que toi et moi nous ne sommes plus des enfants, toi et moi.

Si la chance n'est pas avec toi, et si tu as de la peine et du chagrin, je te consolerai. Tu n'es pas seul et tu ne le seras jamais, je te le promets. Moi, ton chien, je m'engage à tenir ma promesse, à la respecter comme je respire, à te la rappeler nuit après nuit dans un murmure, dans un souffle. »

Tel est ce que me disent mes chiens à bas bruits, la nuit, par le souffle de leur respiration, et comme mon lointain ancêtre je comprends ce langage et il me réconforte. Au fond de mon cœur, je sais que si leurs capacités d'expression étaient limitées au point de leur interdire de transmettre quoi que ce soit d'autre, ce seul message serait assez pour que nous nous comprenions. »